Jour un …

je sors de consultation. Première fois qu’on ne me dit pas avec mépris : « Mais arrêtez donc de gratter ! ». Première fois qu’on me demande, à moi, ce qui m’arrive. Première fois, que je ne me sens pas jugée. Écoutée, simplement écoutée. Et prévenue, aussi :

« Ça sera très difficile ! ».

J’avais peur : peur d’avoir un cancer, peur d’avoir une maladie incurable, peur de ne pas m’en sortir.

M’en sortir … paraît que c’est pas gagné.

Déterminée : je suis déterminée.

Je vais avoir besoin d’aide : trouver un thérapeute … trouver le bon.

Je suis sortie de cette consultation : soulagée … presque excitée. Oui, excitée parce que aujourd’hui je comprends que je peux … peut-être …  changer de vie … décider de combattre cette triste manie pour que vie ne rime plus avec pourrie.

Je suis sortie avec le sourire. Sortie sans maquillage, sortie avec mes croûtes et mes marques. Je suis allée faire les courses, près de chez moi, dans un super marché bondé. Et comme si je venais de comprendre, même si je le revendiquais depuis longtemps déjà, que je n’avais pas à avoir honte, ni à me cacher et encore moins à baisser les yeux ; j’ai regardé les gens bien en face, suis allée vers eux, leur ai souri, leur ai parlé … comme si de rien n’était.

Ce soir, à la fin du repas, je tenais mes mains … crispées l’une dans l’autre. J’ai tellement envie de m’en sortir. Ah … mes mains … je vous retiendrai.

Éviter les miroirs … bah … avec la tête que j’ai : j’ai pas trop envie de passer devant. Sauf que … pause pipi oblige. Le réflexe est là : je scrute ma peau. Et en un quart de seconde ; je repère … une petite boule … juste là … en plein milieu de ma joue. Le genre qui a l’air de vouloir s’installer là pour un bon moment. Le genre que je ne supporte pas. Presque sans réfléchir, je porte ma main au visage. Je sens cette petite boule : c’est encore pire que de simplement la regarder : cette sensation d’avoir un truc sous la peau. Un truc qui n’a rien à faire là. Ce n’est pas juste esthétique. C’est comme si un intrus venait squatter là, sous ma peau. Un intrus que je voudrais chasser. Alors je suis là, le doigt sur cette maudite boule, terrifiée à l’idée que je pourrais, là tout de suite, déjà faillir à ma promesse.

« Non » : non, je ne touche pas, je ne touche pas, il ne faut pas, il ne faut pas. Je reste là, une bonne minute au moins, à palper et observer.

Et puis STOP ! Je sors de la salle de bain, aussi vite que j’y étais entrée. Je décide de l’oublier. Assise, sur le canapé. J’y repense. Je touche à nouveau. Toujours cette sensation insupportable d’avoir un intrus sous la peau. Hé ! J’ai dit que je voulais l’oublier ! Pas si simple … Bon, OK, j’ai une petite boule, ça m’énerve. Ça m’énerve quand je la regarde, ça me rend dingue quand je la touche. Eh bien, si je ne peux pas l’oublier, je peux peut-être décider que je m’en fiche. Allons-y : je m’en fiche. Vis ta vie, moi je vais vivre la mienne.

Je m’étais fait une promesse, il y a longtemps, trop longtemps : « Quand je serai guérie, je fêterai ça. Je me ferai plaisir. J’ai découvert un joli petit salon de soins et de massage près de chez moi. La fille est très sympa. »

Guérie, pas encore. Me faire plaisir ? Oui ! Et tout de suite ! Enfin … demain. Après tout le mal que je me suis fait … il serait peut-être temps que je songe à me faire du bien. Et ma guérison passera par là aussi, j’en suis persuadée.

Jour 1 : j’y crois, je le veux. Grattage : 0 minute.

La liste complète de tous les récits.

 

 

8 réflexions sur “Jour un …

  1. J’ai bien envie de commencer ma « guérison  » en même temps que toi. Ca fait un an que j’arrête puis recommence. Mais quand autour de nous les gens ne comprennent pas comme c’est dur parfois…
    En tout cas bon courage à toi !

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    1. Bonjour Anaelle

      Merci. Oui, C’est bien l’idée de ce blog aussi. Pouvoir échanger et se soutenir. J’ai eu un réel déclic à l’occasion de cette consultation il y a deux jours. Je savais que je grattais (  » un peu  » ) et je pensais que le problème ne venait pas du grattage. Je disais toujours : celui là je l’ai gratté, et il a guéri en trois jours, et celui-là, ça fait dix jours qu’il suinte … Ok, c’est vrai. Il n’en reste pas moins que pour qu’une plaie guérisse, Il faut vraiment ne plus y toucher du tout, du tout. Depuis deux jours que je n’y touche plus, ces deux croûtes qui tournaient en rond avant se sont mises à …. sécher vraiment. Et je sens qu’en dessous ça s’apaise, ça … guérit !

      Est-ce que tu vas écrire un journal de bord aussi ? Le dermato m’a posé une question super importante : grattez-vous à tout moment ou seulement à des moments particuliers de la journée ? Le pronostic de guérison est nettement moins bon pour ceux qui grattent à tout moment. As-tu essayé de trouver un thérapeute pour te soutenir ? Il faut trouver le bon.

      Bon courage à toi. On va y arriver !

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  2. Courage à vous je suis de tout Coeur avec vous….
    Sur le visage moi ça va mieux mais je me suis rabattue sur le dos heureusement plus facile pour cacher…
    Cest très difficile de résister…les grattages me prennent le soir pour décompresser de ma journée…
    Cela fait au moins 15 ans que je souffre de cette maladie avec des remissions et des rechutes…
    En tous les cas conseil dermato nos peaux sont très fragiles et il ne faut pas la décaper plus qu’elle ne l’est déjà…pour aider à la cicatrisation une bonne crème bien hydratante et non pas de produits pour peau acnéique et que sais je…cela améliore l’état de la peau et nous aide à tenir bon pour ne pas gratter…
    Courage …
    Amicalement

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    1. Merci Didou,
      Très difficile de résister … presqu’ impossible. La solution n’est effectivement certainement pas dans des traitements desséchants. Je ne lave plus ma peau qu’une fois par jour : le soir. Le matin, un rinçage à l’eau claire suffit.

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  3. Mon dieu! Ça fait drôle parce que je n’ai jamais vraiment parlé de ce trouble et parler vraiment de ça avec les gens. C’est exactement ce que je vis… Je ne connaissais pas le nom, c’est la première fois ce soir que je lis vraiment sur le sujet…. Pourtant c’est tellement un combat continuel, et il faut toujours que je me maquille et je n’accepte pas du tout de voir des irrégularités sur mon visage… C’est le fun quand même de voir des trucs et des gens qui vivent la même chose! J’ai décidé de vraiment essayé d’arrêter.

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  4. Bonjour, moi même atteinte de la dertillomanie j’aimerais pouvoir en parler avec vous, aidez moi à surmonter toutes ses crises… Peut être que simplement vous parlez et le faites que vous me raisonniez avant une crise m’aiderai. Si quelqu’un voudrait parler par facebook ou autre ? disez moi.

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